Moto, humeurs et autres pensées

Amendonné, faut se lancer (épisode IV)

Evolution (4/5)

A force de répéter que mon objectif est de prendre la moto, rouler, aller au bout de la route, là où il n’y a plus de goudron, pousser plus loin et finalement planter la tente pour dormir, il serait peut-être bon que je mette cela en application.

Après m’être entraîné pendant l’hiver du mieux que je pouvais, j’ai enfin atteint mon objectif : bivouaquer au bout du chemin avec ma moto !

Donc en ce beau week-end de Pâques 2022, j’ai chargé la moto avec quelques outils, quelques tee-shirts, du petit déjeuner, popote, duvet et tente.

Dire que ce week-end était attendu serait un euphémisme. Il a fait un temps pourri depuis quasiment cinq mois. D’habitude en mars on a déjà sorti les barbecues et investi les terrasses.
Pas cette année. La météo a décidé de nous obliger à rester confinés. Météo-2022, Covid-19, même combat.

Alors ce samedi matin, prélude à trois jours de beau temps, j’ai décidé de mettre en application ce pourquoi je me suis entraîné cet hiver.

Moto chargée, plein fait, roadbook prêt, c’est parti !

SAMEDI

Pour ce week-end j’ai décidé de suivre une trace GPS que m’a fournie un ami et qui doit m’amener de Sorèze, près de Revel (pour les ceusses qui sont pas du coin, Google Maps est votre ami !) à Gruissan (là, je pense que plus de monde voit de quel coin je veux parler).
Cette trace traverse la Montagne Noire, le Minervois, la Montagne d’Alaric, les Corbières.

J’attaque donc les chemins à la sortie de Sorèze. Je suis en terrain connu car la trace reprend celle de la balade hivernale que j’ai faite en janvier. A l’époque bien qu’il ait fait beau, la température était plus proche de zéro et il y avait de la glace sur les chemins. Mais c’était passé sans souci.

Depuis, il a plu. Beaucoup. Et si la température n’est plus glaciale, les pluies ont raviné les chemins. A certains endroits il y a à peine vingt centimètres de large pour poser les pneus, entre fossé et ravine.

Il n’en fallait pas plus pour me mettre à l’épreuve. En bas d’une montée au milieu de laquelle une ravine profonde de quarante centimètres s’est formée, je commence à me demander ce que je fais là.
Je suis seul, avec une moto chargée, difficile à relever en cas de chute, et pas plus expérimenté que ça. Tout pour être à l’aise.

A ce moment là de la journée, il est environ treize heures trente, j’ai déjà parcouru presque cinq kilomètres de chemins. Avec cette moyenne horaire, je devrais arriver à Gruissan en 2023. Il va peut-être falloir que j’arrête de réfléchir et que je me lance pour de bon.

Donc, je me lance. J’engage la moto sur la droite du chemin, entre ravine et ronces, debout, bien en appui sur les repose-pieds. En seconde la moto tracte bien, pas de souci de motricité. Ca suit la ligne comme il faut.
Alors pourquoi amendonné a-t-il fallu que je cogite, que je me crispe, que je me dise “mais non mais non !” ou bien “ça va pas ! ça va pas !” ? Hein pourquoi ?
Parce qu’à cause de ces cogitations et autres hésitations est arrivé ce qui fatalement me pendait au bout du nez : je m’en suis collé une !

La moto couchée dans les ronces, mon pied coincé dans la botte coincée sous la moto. Je coupe le contact et exprime à voix haute la première pensée qui me vient à l’esprit : “Putain ! Fais chier ! Mais quel con !”.

Passé le premier moment d’angoisse lié à mon pied coincé sous la moto et m’être dégagé, j’applique les conseils qu’on m’a donnés : tu enlèves le casque, tu te mets à l’aise, tu bois un coup, bref, tu prends ton temps pour analyser la situation.

Et après trois tentatives, je réussis à relever la moto et à monter dessus. Et croyez moi, ce n’est pas toujours facile.
Je redémarre et finis par parcourir les cinquante mètres ravinés restants en mode “draisienne”, c’est à dire avec les pieds par terre.
Je m’arrête de nouveau et bois un coup. “Mais j’ai déjà bu !”. “Bois encore !”©Vincent. Je bois.
Et je me dis que si la suite est du même tonneau, soit il faut que je change de moto soit il faut que je change d’activité. Le doute s’installe.

Je reprends néanmoins le fil de ma trace.

Petit à petit, je me sens plus à l’aise, plus détendu. Je laisse la moto vivre sa vie sous moi en lui donnant des indications de direction. Tout se passe bien. C’en est même presque harmonieux.
Je commence à être moins crispé sur le guidon. Et heureusement, parce que contraindre une moto de deux cent cinquante kilos à faire ce qu’elle ne veut pas faire, c’est un combat épuisant et perdu d’avance.

Le rythme n’est pas élevé mais j’avance quand même.

Soudain une alarme sonne : mon estomac me rappelle qu’il est là et qu’il serait temps de s’arrêter pour le remplir. Il est presque quinze heures.
Sur le côté du chemin j’avise une cabane de chasseur avec une jolie table de pique-nique à l’extérieur.
Banco ! Sandwich, bière, barre de céréales et café. La gastronomie à l’état naturel !

Sustenté, je reprends la trace et arrive en vue du lac de Montagnes, au dessus de Mazamet. Je ne m’y attarde pas et continue ma route.

Les routes forestières que j’emprunte sont faciles. Petit à petit je me sens en confiance. Le rythme augmente un peu et j’arrive même à faire des pointes à cinquante kilomètres par heure.
Ce n’est pas la vitesse en elle-même qui me retient d’aller plus vite, c’est juste ma capacité à m’arrêter. Sur la route je maîtrise, sur chemins je suis encore sur des oeufs de ce côté là.

Je suis la piste, admire le paysage, apprécie le calme et la solitude. Je m’arrête de temps en temps pour prendre une photo, savourer l’instant.

Par moment je suis obligé d’improviser. Des panneaux d’interdiction ont poussé comme des champignons en automne. Petit à petit la nature devient la chasse gardée des écolos des villes qui délaissant leurs trottinettes nucléaires enfourchent leur vélos nucléaires amenés à grand renfort de SUV diesel pour s’aventurer dans les campagnes et forêts avec toute la bonne conscience qui les caractérise. Mais je digresse.
Donc, disais-je, j’improvise des raccourcis qui rallongent, des chemins de contournement.

Et je finis par arriver vers dix-huit heures à Caunes-Minervois (dans le Minervois, pour ceux qui cherchent sur Google Maps).
Et comme je suis fier de moi, je m’accorde une pause bière au bistrot près de la fontaine.

Je ne m’attarde pas trop car le soleil se couche vers vingt heures et il me reste donc deux heures pour trouver un coin pour planter ma tente.
”Quoi ? Tu as peur de rouler de nuit ?” Absolument pas ! Mais à la faveur d’un arrêt photo, je me suis aperçu que mon ampoule de phare avait claqué. Les vibrations ? Je n’en sais rien. Donc rouler de nuit risque de m’être problématique, même avec ma frontale.

Je descends donc sur Capendu, achète de quoi manger le soir et repars vers la montagne d’Alaric.
Je suis la piste caillouteuse jusqu’au sommet où se trouve le Signal d’Alaric.
En cette fin de journée, le vent s’est levé. Et croyez moi, ça souffle.
A tel point que je me demande si je vais pouvoir planter la tente et bivouaquer.

En redescendant du Signal je m’arrête discuter avec des randonneurs en fourgon qui se sont installés au seul endroit plat et abrité du coin.
Ils me proposent de m’installer à côté vu qu’il y a pas mal de place, mais pour avoir pratiqué la même activité qu’eux, je sais que parfois on aime bien être seul sur son bivouac. Ne pas avoir quelqu’un qui vient s’installer dans son périmètre alors qu’il y a de la place partout ailleurs.

Je les remercie et leur dis que si je ne trouve pas un endroit un peu plus loin, je reviendrai vers eux. Je reprends ma trace et m’engage sur un chemin à la recherche du spot pour dormir.

Et là, j’ai eu un moment de solitude. Il est dix-neuf heures trente, je suis fatigué à l’extrême, j’ai du mal à me lever sur la moto, mes mains me font mal, le dos me tire.
Et je vois le chemin que je dois prendre.

Ce chemin descend à tel point que je sais déjà qu’une fois engagé je ne pourrai pas faire demi-tour. Il est caillouteux à un point que même à pied c’est casse-gueule.
Ces cailloux roulent sous les pneus, certains sont énormes et enfoncés dans le sol et forment des marches qu’il faut sauter.
Bref c’est technique. Très technique pour moi. Trop ?

Je n’ai pas le choix, je me lance. Debout sur les cale-pieds, léger (ah ah ah !) sur le guidon, les doigts sur l’embrayage à gauche et le frein à droite et je laisse la moto descendre, en seconde, en lui donnant tant bien que mal des indications sur la direction à suivre.
La moto saute de gauche et de droite. J’essaye de choisir la trajectoire la moins compliquée mais il semblerait que je ne sois pas le seul à prendre des décisions. Les cailloux cognent contre le sabot dans un bruit d’enfer. Mais je ne m’arrête pas.
J’ai même câlé à un moment. Mais j’ai réussi à redémarrer sans m’arrêter.
Cette descente est interminable. J’ai les avant-bras et les cuisses en feu. Je suis rincé.
Mais je ne peux pas m’arrêter. Il n’y a aucun endroit pour bivouaquer et la nuit s’approche.
Je passe devant un 4×4 avec une famille attablée garé sur le bas côté. Ma bonne éducation me fait leur souhaiter un bon appétit en me demandant si moi je vais enfin arriver quelque part où je pourrai m’arrêter pour manger aussi.

Et finalement, au bout d’un kilomètre et demi interminable, je trouve un espace plat et herbeux. La fin de mon calvaire.

Je pose la moto. Je monte la tente malgré le (très) fort vent. Après quelques photos, je me vote une bière et des cacahuètes pour fêter enfin mon premier bivouac en moto.

Je savoure le coucher de soleil à l’ouest et quelques instants plus tard un magnifique lever de pleine lune à l’est.
Ce soir là, le Stade Toulousain arrache sa qualification pour les quarts de finale de la Coupe d’Europe.

N’en jetez plus ! La coupe est pleine ! Je suis aux anges !

Demain, je continue. Après une bonne nuit.

DIMANCHE

Des nèfles, oui !

J’ai rarement passé une nuit aussi pourrie. Le vent a soufflé si fort que plusieurs fois j’ai cru que la tente allait me tomber sur le râble. Je suis sorti deux fois vérifier que les sardines étaient bien plantées.
Et enfin, vers quatre heures du matin, le vent s’est calmé et j’ai fini par m’endormir.

Sept heures trente. Il fait jour et je suis réveillé. Je suis claqué. J’ai encore mal aux jambes de la veille.
Pas la peine d’espérer continuer à dormir, en bivouac on est censé lever le camp le matin de bonne heure. Il ne sert à rien de somnoler une demi-heure de plus.

Je me lève, plie les affaires en prenant soin de garder accessible de quoi petit déjeuner puis profite de ce début de matinée.

Après trois cafés et avoir chargé la moto, je reprends le chemin de la veille.
Ca descend toujours autant mais c’est beaucoup moins cassant. Et je finis par rejoindre le goudron que je suis jusqu’à Lagrasse où je m’arrête pour prendre un café en terrasse.
Il est dix heures, il fait beau, la journée s’annonce très bien. Si ce n’est que je suis quasiment aussi fatigué que lorsque je me suis couché.

Je décide donc de prendre quelques chemins pour commencer puis d’aviser ensuite. Après Saint-Laurent-de-la-Cabrerisse, je reprends les chemins qui sillonnent les Corbières.

Le terrain a changé. Il n’y a plus de caillou et autres pierres acérées au sol mais plutôt une terre rougeâtre un peu sablonneuse.
C’est nouveau pour moi. Je sens la direction un peu plus floue mais globalement la moto va là où je le souhaite. C’est plutôt rassurant, non ?

Il n’est pas midi et je suis déjà fatigué. Les conséquences de la mauvaise nuit.
Je continue encore quelques pistes. Je ne croise personne, il fait beau, les paysages sont magnifiques.
Que demander de plus en ce dimanche de Pâques ? A part d’être moins fatigué, je ne vois pas.

Le terrain change de nouveau. Je cherche à m’approcher de Portel de Corbières par les pistes mais ça se complique un peu. La terre rouge et sablonneuse a laissé la place à de la rocaille. Les suspensions travaillent un maximum et mes cuisses en prennent aussi un coup lors de la conduite debout.

Puis arrive ce que j’appellerai au choix, ou l’échec du week-end ou un éclair de raison. Face à une montée bien raide et caillouteuse j’hésite un bon moment.
Si je m’engage, il faut absolument que j’aille jusqu’au bout. Pas de possibilité de faire demi-tour facilement.
Si je m’arrête au milieu, ça va être très compliqué de redémarrer.
Je suis seul, la raison, à moins que ce ne soit la peur, me conseille de ne pas y aller. Un coup d’oeil au GPS pour chercher une solution de contournement et finalement je me dis qu’il vaut mieux faire preuve de bon sens vu mon état physique.

Je contourne donc l’obstacle et poursuit sur des chemins plus avenants.

Dans la matinée j’avais déjà décidé que je n’irai pas jusqu’à Gruissan. Je préfère piquer vers le sud. De plus j’ai rendez-vous avec un copain pour boire une bière vers 17h à Argelès sur Mer.
A 13h je prends donc la décision d’arrêter les chemins et de poursuivre sur le goudron. C’est bien aussi, surtout dans cette région.

Arrivé à Durban-Corbières, je trace vers le village de Tuchan sur les hauteurs duquel je pique-nique. Sandwich, bière, barre de céréales. Du classique.
J’en profite pour tailler le bout de gras avec un retraité local en balade dominicale avec sa R1100RT.
Toujours privilégier les moments conviviaux, d’autant plus avec les locaux. Ils ont toujours quelques bons plans à partager.

Je continue tranquillement sur Vingrau et Tautavel. C’est de la route classique que j’ai déjà parcourue plusieurs fois mais c’est toujours aussi plaisant.

L’heure tourne et si je veux être à temps à Argelès sur Mer, il vaudrait mieux que je me mette en mode “avance rapide”.
Traversée de Perpignan, Cabestany, Saint-Cyprien, Argelès !

Arrrgh ! Je suis tombé dans un traquenard !
Arrivé à Argelès j’ai l’impression d’être à Toulouse à l’heure de pointe tellement il y a du monde. C’est de la folie !
Après avoir passé deux jours seul coupé du monde, j’éprouve un fort sentiment d’oppression en arrivant là. Je n’ai qu’une hâte, me tirer de là ! J’ai même du mal à respirer.
Ca ne tiendrait qu’à moi je m’enfuirais illico. Mais j’ai rendez-vous pour boire un verre avec un copain.

Terrasse de café bondée, musique pourrie, du bruit, du monde… Bref ! Tout ce que je déteste !
On boit un coup malgré tout et je décide d’aller camper dans les terres car le bord de mer, ce n’est pas vraiment fait pour moi.

Je fais un peu de courses pour le soir et le pique-nique du lendemain puis file sur Céret où je connais un camping accueillant, calme et accessoirement bon marché.
J’avoue avoir fait l’impasse sur le bivouac. Il m’aurait fallu reprendre des chemins, toujours sans lumière sur la moto et puis étant en délicatesse avec mon système de recharge pour ma tablette et mon téléphone, j’ai préféré jouer la sécurité avec un camping avec électricité.
Et puis, je ne suis pas non plus contre une bonne douche !

Campement monté dans le camping assez déserté. D’ailleurs même le taulier n’est pas là. Je règlerai les formalités demain.

Pas de vent, soirée tranquille, je m’endors de bonne heure tellement je suis claqué.

LUNDI

Réveil 7h30. Lever 8h30 ! Le plaisir de se réveiller et de se dire qu’on peut encore traîner un peu, voire se rendormir… Montaigne faisait déjà cela au XVIe siècle.

Ciel dégagé, journée ensoleillée en perspective: 1 point. Bien dormi, quasiment pas de courbatures : 1 point de plus.
A 3 points, je considère la journée comme déjà réussie.
Je déjeune tranquillement, plie les affaires, charge la moto en prenant soin de me garder un petit café pour juste avant le départ.
Je file à l’accueil pour régler. Je discute un peu avec le taulier. Il faut dire que ce n’est pas la première fois que je viens dans ce camping. En moto, en fourgon, en couple ou en groupe, j’ai un peu mes habitudes. On discute donc et à la fin je règle dix euros pour l’emplacement avec électricité : 1 point de plus. On est à 3.
Ca fait ma journée.

Aujourd’hui j’envisage de prendre le TET (Trans Euro Trail) à partir d’Amélie les Bains puis de le suivre aussi longtemps que je pourrai. On verra bien !

Direction Amélie puis Montbolo, sur les hauteurs. Les chemins commencent.

Faciles, larges et pas trop défoncés, c’est exactement ce qu’il me faut pour me chauffer un peu et me remettre dans le bain.

Tout se passe impeccablement jusqu’à l’apparition impromptue d’un panneau d’interdiction sur ma route.
Ce n’est pas le premier du week-end et je me dis qu’il faudrait peut-être informer les gestionnaires des traces du TET de ces changements. A faire plus tard, donc.

Un oeil au GPS et je prends une autre piste qui me fait rejoindre le goudron. J’essaye ensuite de rejoindre la trace du TET qui serre au plus près le pic du Canigou. J’arrive ainsi à Valmanya et Baillestavy avant de redescendre dans le Conflent à hauteur de Vinça.
Ce n’est pas du chemin mais la route est tellement étroite et tortueuse que c’est tout comme. En roulant tranquillement on peut profiter pleinement des paysages, des odeurs.

J’avoue que par moment je me pose la question de savoir qui peut vivre dans ces villages si reculés. Surement pas des néo-bobos télétravailleurs, il n’y a pas assez de réseau. Des personnes âgées ? Oui mais pas qu’eux. Je creuserai la question plus tard.

Pour le moment je continue à rouler en suivant la trace. Je passe par Eus, l’un des plus beaux villages de France puis bifurque vers le col de Roque Jalère.

Avant de l’atteindre, la trace du TET me fait prendre une piste assez roulante qui monte dans la montagne.
Avec le Pic du Canigou dans le dos et le massif des Fenouillèdes en face de moi, je m’accorde une pause pique-nique.

Pendant que je fais honneur à mon sandwich quatre motards arrivent par la piste que je vais bientôt emprunter. Un petit coucou au passage mais aucun ne manifeste l’envie de s’arrêter discuter.
Tant pis pour eux, il me reste pourtant quelques bières que j’aurais volontiers partagées.

Il fait super bon, le paysage est magnifique mais l’heure tourne. Et il faut que je sois rentré avant la nuit. Je n’ai toujours pas de lumière devant.

J’attaque le chemin, légèrement sablonneux, ça monte, ça descend, ça glissouille un peu sur une petite accélération. Bref, je m’éclate.

De temps en temps je suis obligé de m’arrêter pour descendre ouvrir une barrière qui empêche le bétail de baguenauder où il veut, en prenant soin de bien refermer derrière moi. Mais le rythme reste bon.
Ce n’est pas trop technique et je peux rouler tout en regardant le paysage.

Oui mais non. Tout à ma contemplation, je ne vois que trop tard une énième barrière à bétail matérialisée par un simple câble métallique tendu en travers du chemin.
Je prends les freins aussi délicatement que je peux et m’aperçois très vite que j’ai oublié de désactiver l’ABS. Et comme le sol est toujours sablonneux, ma distance de freinage est trop longue et je traverse le câble métallique, arrache un piquet sur lequel il est fixé et finis par faire tomber la moto au sol.

Pas de bobo, c’est ma chute du jour. Tout va bien.

Je désentortille le câble, replante le piquet, y refixe le câble et je m’intéresse enfin à la moto. Pas de souci pour la relever. Tout va bien.

Ou presque. J’ai déjà dit que la piste était légèrement sablonneuse ? Oui, forcément. Mais je n’ai pas parlé des cailloux et autres roches enchâssées dans le chemin.
Eh bien il s’en trouvait un par là sur lequel ma valise gauche s’est appuyée de tout son poids augmenté de celui de la moto. Je peux vous dire qu’une valise alu, ça ne fait pas le poids face à deux cent cinquante kilos de pression.
Tout le bas est déformé. Quand je la pose au sol, elle ne tient même plus droite. J’espère que ce sera réparable.

J’arrête de me lamenter et reprends mon périple.  Pour le coup je suis un peu plus focalisé sur la piste qu’avant. Je ne suis pas à l’abri de rencontrer une autre barrière. Si encore les agriculteurs prenaient le soin d’y accrocher une pancarte ou un foulard rouge, ce serait au moins bien visible.

J’arrive sans encombre à Sournia, suis un peu la route puis je reprends une piste qui m’amène tranquillement à Saint-Paul de Fenouillet puis Caudiès de Fenouillèdes par un ancien chemin cathare.

Encore du goudron et à Puilaurens je monte vers le château pour prendre la piste qui va longer la voie ferrée et la D117 jusqu’à Axat.
C’est ma dernière piste. Ensuite il me faudra prendre la route pour rentrer à la maison avant la nuit.

Concours de circonstance, en approchant d’Axat le chemin se rétrécit furieusement pour se transformer en single track (un sentier mono trace).
Un oeil au GPS : ce n’est pas très long. Une petite reconnaissance à pied malgré tout s’impose.
Et finalement je décide que vu mon état de fatigue, l’heure, que je suis seul, je ne vais pas prendre le risque de perdre du temps ou de rester coincé. Demi-tour, retour sur la D117 et je trace jusqu’à Quillan puis Limoux.

Au passage, depuis le temps que je roule dans la région, c’est la première fois que je me retrouve complètement seul dans le passage de la Pierre Lys, entre Axat et Quillan. Ca fait une drôle d’impression.

Arrivé à Limoux je m’arrête pour regonfler mes pneus qui étaient en basse pression  pour les chemins depuis trois jours.
Je me vote une bière, parce que je le vaux bien.
Et je repars confiant pour le dernier run du week-end.

Fatigué, heureux, je suis un peu en pilotage automatique quand tout à coup, je m’aperçois que ma moto aussi a des envies d’automatismes : mon sélecteur de vitesse s’est fait la malle !
Je m’arrête sur le bas côté de la petite route en presque catastrophe et contemple mon sélecteur qui pendouille lamentablement au bout de la tringlerie. M’enfin ?

Avant de me lancer dans la pratique du tout chemin (prétendre que je fais du tout terrain serait présomptueux), je me suis bien renseigné sur les bonnes pratiques.
Parmi celles-ci, il y en a une qui va me sauver aujourd’hui : emmènes toujours une trousse à outils testée et adaptée.
Je déballe donc mes outils, soigneusement choisis et triés tout l’hiver, et entreprends de remonter mon sélecteur qui finalement n’est que dévissé. Un moindre mal.

Pendant que je bricole, un motard s’arrête pour me proposer son aide. Ca c’est cool. Mais je n’ai besoin de rien car j’ai presque fini.
On taille le bout de gras cinq minutes puis il repart. Du moins il essaye !
Un faux contact dans son commodo l’empêche d’actionner le démarreur. Il s’ensuit que c’est moi qui l’aide en poussant sa moto pour qu’il arrive à démarrer.
Tranche de vie motarde. Un salut et on se quitte.

Je redémarre et hausse un peu le rythme. Castelnaudary, Villefranche de Lauragais puis j’oblique à l’ouest pour éviter Toulouse et arrive à vingt heures quinze dans mon Far-West toulousain.
Il fait encore jour juste ce qu’il faut. Contrat rempli.

Canap’, ti’punch, fin du week-end.

ET DONC ?

Dire que je me suis régalé serait affadir la vérité. J’ai pris un pied énorme pendant cet offroad de Pâques. La météo était de la partie, les paysages, les chemins, les routes, tout.

Si je le referai ? Et comment donc ! Plutôt deux fois qu’une.

Seul ? Absolument. Accompagné ? Mais très volontiers.
Car en fait je me suis aperçu que depuis le temps que je roule en moto, c’est la première fois de ma vie que je pars plusieurs jours en solo.
Pas que ça m’effrayait ou par peur de m’ennuyer, mais juste parce que ça ne m’était pas venu à l’idée.

A côté de cela, partir seul sur des chemins peut-être un handicap. On ne peut compter que sur soi. Ne pas s’aventurer à des endroits où on n’est pas sûr de s’en sortir seul.
Je veux bien admettre qu’en Europe, à l’ère des téléphones portables, on n’est jamais vraiment loin de la civilisation et d’une assistance. Mais dans certains coins où on ne capte pas le réseau téléphonique, si on se retrouve avec une jambe coincée sous la moto sans possibilité de se dégager, cela peut vite devenir problématique.

Donc en solo, on y a va mollo. C’est pour cela qu’au cours de mon week-end par deux fois je ne me suis pas engagé sur certains chemins. Juste au cas où…

Un autre enseignement que je retire de ce périple est que je suis parti avec trop de bagages. Mes deux valises étaient remplies, la tente sanglée sur la moto et le sac à dos…. sur mon dos !

Certaines affaires ne m’ont pas été utiles sur ces trois jours. L’auraient-elles été si cette balade avait duré plus longtemps ? Je ne sais pas.
J’avoue que je vais devoir pas mal réfléchir à tout cela pour les prochaines fois.

Alors et maintenant ? Eh bien, vidange, gestion des pneus, préparation d’une prochaine destination et GO !

A la prochaine !

Crédits :
je tiens à remercier tous les sponsors sans lesquels cette sortie n’aurait pu avoir lieu

  • Les brasseurs belges de l’Abbaye de Leffe, de l’Abbaye de Grimbergen et de l’Abbaye bénédictine d’Affligem
  • Les charcutiers de Lacaune
  • Les fabricants de pneus offroad
Evolution<< A l’enTTraînement (vol. 3)On l’a fait ! Reçu cinq sur cinq ! >>

3 commentaires

  1. Marco

    Super CR!!!
    Je trépigne encore plus maintenant 😁.
    Pour notre session, je prépare une trace aux petits oignons !

  2. ERIC GOBBO

    Belle expérience. je suis le même cheminement en 650 Vstrom, plus légère que la 1000.
    Pour ma part pas ou trèèèès peu de duo, madame pas fana. Et je débute à peine le tous chemins.
    Bravo pour ton humour et ta culture, ça fait du bien de lire un motard “culturé”, sachant écrire et sans “fôte d’ortograf” en plus 😉
    Eric (à Mèze proche de Sète)

  3. ERIC GOBBO

    @ Gookum et Marco

    Je suis aussi sur http://v-strom.superforum.fr/u4807

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