Evolution (5/5)

Si vous avez suivi un peu mon évolution motardesque des derniers mois, il ne vous aura pas échappé que je poursuis un but bien précis.
Après des mois d’entraînements, de chutes, de doutes mais aussi de joies, de victoires (surtout sur moi-même), de remise en question, j’ai enfin atteint ce but : partir en duo sur les pistes et planter la tente là-bas, au bout du chemin.

C’était le weekend de Pentecôte 2022…

Samedi

Rendez vous est pris chez Vincent pour ce samedi 4 juin au matin. La météo est mitigée, une petite bruine s’infiltre un peu partout mais les prévisions pour la journée sont plutôt bonnes.

J’ai chargé la moto à l’aide de ma bagagerie souple, latérale et de selle, que je vais inaugurer pour l’occasion. Je n’ai pas spécialement envie de rebousiller une valise alu au risque qu’elle en devienne irréparable.

Tente, matelas, duvets, quelques outils et des vêtements de rechange. Il reste un peu de place pour de la nourriture que nous achèterons en route. La gourde du camelback est pleine et nous nous la partagerons. Après tout, on est de la même famille.

Car pour ce roadtrip, je pars avec mon fils de quatorze ans.

Il est habitué des roadtrips et du camping. Cela fait des années qu’on pratique ça ensemble. D’abord en fourgon aménagé puis en moto.
On a pratiqué les chemins et les bivouacs en pleine nature avec le fourgon et les petites routes et le camping en moto. Cette fois ci, ce sera chemins et bivouac en moto.

Nous décollons donc de Toulouse avec l’ami Vincent et sa R1200GS en direction d’Aspet (31) où nous avons décidé d’acheter le pique-nique.
La bruine nous poursuit un moment pour finir par se transformer en ciel bleu quelques kilomètres avant notre arrêt.

Arrivés à Aspet nous tombons en plein sur le marché hebdomadaire. Je saurai donc maintenant que le samedi, c’est jour de marché à Aspet.
A peine descendu de la moto et décasqué, voilà qu’un vieux monsieur à béret m’interpelle pour me demander si j’ai besoin de quelque chose, si le coin me plaît et que si j’ai besoin de quoique ce soit je n’hésite pas à demander.
Quelque peu surpris par tant d’affabilité, je le remercie et file rejoindre Vincent stationné plus loin qui me raconte à peu de choses près la même aventure.
Et le fait est que le marché est plein de ces messieurs à béret. Renseignements pris, il s’avèrera que nous sommes en période de campagne législative et que tous ces gens là ne font que de la propagande, du serrage de louche sur les marchés pour attirer les électeurs.
Déçus une fois de plus par le genre humain, nous apprécions malgré tout ce marché de campagne que nous quittons peu de temps après avoir acheté notre pique-nique et bu un café à la terrasse d’un bistrot.

Notre but du weekend est d’emprunter quelques traces du Trans Euro Trail et de l’Adventure Country Tracks en Espagne, à l’ouest de l’Andorre. C’est roulant, pas trop difficile, bref idéal pour débuter.

Sortis d’Aspet nous prenons la direction du col du Menté et de la station de ski du Mourtis, point de départ de notre première piste qui doit nous amener en Espagne.
On dégonfle un peu les pneus, petit rappel des consignes pour mon fils mais aussi pour moi et roule !

Les premiers tours de roues sont un peu hésitants. Vincent ouvre la voie, debout sur ses repose-pieds comme il sied à tout trailiste qui scrute l’horizon.
Mon fils et moi restons assis sur la selle. Du coup je travaille plus avec les bras qu’avec la position du corps pour diriger la moto.

Le terrain est globalement sec, à part quelques micros flaques. Mais je ne suis pas encore très détendu. Il faut dire qu’en plus de mon manque d’expérience, cette fois ci j’ai aussi charge d’âme. Donc je ne m’accorde pas le droit à l’erreur même si je sais qu’elle fait partie inhérente de la pratique du tout-terrain.

Nous poursuivons tranquillement, passons le col d’Artigascou et entamons la descente vers Melles (31). Une descente très gravillonneuse, piégeuse, pleine d’épingles pas faciles à négocier.
A un moment, j’ai même légèrement perdu l’avant dans une épingle à gauche, mais sans conséquence. C’est dans ce genre de situation que l’expression “lécher les freins” prend tout son sens.

En communication permanente avec mon fils grâce à l’intercom, nous avons échangé tout le long de ce chemin.
Il n’était pas très à l’aise. Il me sentait tendu. Et je l’étais. On se rassure mutuellement en se disant que tout s’est bien passé et qu’il n’y a pas de raison que cela ne continue pas.

Passé Melles nous retrouvons le goudron et nous dirigeons vers l’Espagne jusqu’à Vielha. On fait le plein des motos et nous constatons que le prix du SP95 est sensiblement le même qu’en France. Ca pique !

En regardant nos GPS nous nous apercevons que nous avons raté un embranchement et que nous aurions dû bifurquer vers une nouvelle piste bien avant d’arriver à Vielha.
Nous faisons donc demi-tour, trouvons une petite route transversale qui nous ramène vers la trace prévue.
Le paysage est magnifique, la micro route serpente à flanc de montagne et nous nous arrêtons près du refuge de “Saut deth Pish” sur la Carretera de Varrados pour pique-niquer.
Le coin est un peu touristique et quelques voitures sont là pour en témoigner.

Sustentés, nous reprenons notre chemin. Le goudron disparaît instantanément.
La piste n’est pas facile facile. Le sol est détrempé, ça ruisselle même à certains endroits. L’astuce consiste à rouler où ça ruisselle justement car l’eau a emporté la boue et dessous on trouve du grip sur les cailloux.
Facile à dire, moins facile à faire.
Je ne suis toujours pas très détendu et mon fils non plus. J’espère que cette portion humide ne sera pas trop longue.

Nous sortons finalement de l’abri de la forêt et la piste s’assèche progressivement. Je me détends un peu au fur et à mesure que je retrouve du grip comme j’aime.

Pour l’instant aucune chute n’est à déplorer. Malgré quelques figures de style imposées par l’humidité du chemin. Pourvu que ça dure.

La piste continue de monter. Le sol est très caillouteux mais cela reste relativement roulant.
Nous sommes maintenant à deux mille mètres d’altitude. La vue est dégagée, ensoleillée et il ne fait pas trop chaud. Sur les bas côtés nous observons même de grosses plaques de neige.

De temps en temps une grosse flaque de boue barre la piste. Selon son aspect soit je la franchis allègrement, tout en sentant mon fils se raidir derrière moi, soit je le fais descendre et passe l’obstacle en solo.

Le paysage défile, la piste continue de descendre. Je roule à un train de sénateur car depuis le début, nous roulons assis. Eviter les trous et zigzaguer dans ces conditions est particulièrement dur. Alors je franchis trous et bosses sans les éviter mais à très faible allure. La moyenne horaire en pâtit, mais on a le temps. On est en weekend, après tout !

Salardu, Baguergue, direction Pla de Beret, au dessus de Baqueira (plus grande station de ski des Pyrénées espagnoles). La piste qui monte de Baguergue à Pla de Beret est un peu raide et un chouïa technique. Du moins pour moi en duo.
Mais le grip est bon et je me sens à l’aise. Aussi accéléré-je un peu tout en essayant de ne pas trop nous secouer. Assis, les suspensions de la moto travaillent beaucoup plus que si nous étions debout.

Tout se passe bien et nous arrivons sur les immenses parking de la station de ski.
Accessoirement, Pla de Beret a été pendant un moment considéré, surtout par les locaux, comme étant la source de la Garonne. Les Français considèrent que la source de la Garonne est plutôt de l’autre côte de la vallée, dans le massif de la Maladetta. Le confluent de la Garona de Ruda et de la Garona de Jueu se trouve à Las Bordas où le fleuve prend alors le nom de Arriu Garona en Aranais. Si l’histoire de la Garonne vous intéresse, Larousse est votre ami.

Tout au bout des parkings, une piste débute et file vers la montagne. C’est plat, roulant, revêtu d’une sorte de stabilisé. On sent que ça roule fréquemment là-dessus.
Et pour cause, ce chemin emmène vers le village abandonné de Montgarri, en cours de réhabilitation par une association locale. C’est accessible en voiture non surélevée et la visite vaut le coup d’oeil.

Passé Montgarri, la piste continue, toujours aussi roulante pendant un moment puis se dégrade progressivement. Cela reste malgré tout accessible.
D’ailleurs, je me souviens avoir pratiqué cette piste en sens inverse dans sa totalité avec mon fourgon, il y a quelques années de cela.

Nous longeons la rivière Noguera Pallaresa dont la source est aussi à Pla de Beret mais qui coule du côté espagnol. Le cours d’eau est alimenté par des torrents qui descendent de la montage, non pas à cheval mais en cascades.
Nous passons ainsi successivement la cascade Barranc de Raspamala, la cascade Barranc de la Tinta et celle de l’Escala Alta.

La piste est de nouveau un peu plus roulante et plate bien que parsemée de trous remplis d’eau. Puis arrivés à Alos d’Isil nous retrouvons le goudron qui nous repose un peu le dos et les bras.

Lors d’une pause nous avons décidé de nous arrêter à Esterri d’Aneu pour boire un verre en terrasse et décider de la suite car l’heure a tourné et il est temps de penser au bivouac.
Vincent avait envisagé deux lieux possibles pour bivouaquer. Mais cela nécessite de continuer à rouler un peu et de reprendre une piste pour remonter dans la montagne.

Assis en terrasse devant nos boissons respectives, nous décidons finalement qu’au vu de l’heure et de notre état de forme, il est plus sage de trouver un lieu pour bivouaquer dans la vallée où nous nous trouvons, quitte à se rabattre sur un camping, plutôt que de continuer en prenant des risques inutiles.

Jamais je n’ai été aussi content de prendre la décision de m’arrêter de rouler. Si si ! Mais à ce moment là, je ne le sais pas encore.

Avant tout, chercher un bivouac. On scrute la carte, scanne les campings, les petites routes alentour et finalement je dégaine mon arme secrète : l’application Park4night.

Cette application communautaire répertorie des endroits, lieux pour les campeurs, camping-caristes. On y trouve de tout. Du simple coin pique-nique au spot reculé accessible en quatre roues motrices en passant par le parking de l’église ou l’aire de camping-car avec vue sur supermarché. Photos et commentaires à l’appui, chacun peut trouver son bonheur.
Notons malgré tout que les meilleurs spots ne se trouvent jamais dans ce genre d’applications, ils se transmettent uniquement de bouche à oreille, ou de clavier à écran, entre gens de confiance. Limite sous le manteau. Comme les coins à champignons.

Malgré tout, j’avise un spot de pleine nature au dessus de la Guingeta d’Aneu, le village suivant, en hauteur, en bord d’une route en impasse avec vue sur le lac en bas.
Une petite terrasse en contrebas où nous descendons les motos, les tentes installées à côté presque au bord de la falaise.
C’est parfait. Le genre de spot de carte postale !

Le campement installé, je repars immédiatement au village pour acheter le nécessaire pour l’apéritif et refaire le plein du camelback.
Je galère un tantinet pour trouver une épicerie à Esterri d’Aneu, village truffé de sens uniques avec un centre ville interdit aux véhicules motorisés puis je galère ensuite à trouver une fontaine qui finalement se trouvait au bord du lac.
Le tout m’a pris presque une heure.

Je remonte au campement et là, stupeur ! On n’est plus seuls !
Deux voitures se sont installées pas loin de nous et visiblement c’est pour la nuit. Nous sommes légèrement contrariés mais faisons bon coeur contre relative mauvaise fortune.
Puis d’autres voitures arrivent. Et encore.
Finalement ce spot est trop connu. Nous ne serions pas arrivés les premiers, nous ne serions pas restés. On a l’impression d’être au camping à Palavas. C’est pas vraiment notre truc !

Apéritif, malgré tout, la soirée se déroule avec concours de fabrication de cuillère. Il faut dire que j’ai oublié la popote sur une étagère du garage. Elle contenait les couverts, le réchaud, les verres, bref, la totale.
Donc concours de fabrication de cuillère pour que nous puissions manger nos pâtes lyophilisées sous l’oeil goguenard de Vincent qui accepte malgré tout de nous chauffer l’eau.
Finalement je gagne le concours avec ma cuillère en aluminium découpée dans une cannette de bière face aux baguettes chinoises de mon fils qui a reconnu que sculpter le bois n’est pas forcément chose aisée.

Pendant ce temps là, d’autres campeurs sont arrivés. De jeunes irrespectueux qui pensaient qu’installer leur tente six places devant nos motos étaient une bonne idée. De la place partout autour et ces imbéciles viennent se coller à nous. Le “syndrome de la serviette” comme l’appelle Vincent.
Nous sommes obligés de les recadrer un peu en leur expliquant que s’ils ne décalent pas leur tente on va leur arracher toutes les sardines en passant avec les motos à sept heures du matin. Ils acceptent mollement sans apparemment se rendre compte de leur manque de savoir-vivre. Il faut dire que la barrière de la langue ne nous aide pas non plus.

Dimanche

Malgré tout la nuit fut bonne. Réveil à six heures, petit déjeuner, étirement, pliage du campement un brin humide à cause de la rosée matinale et démarrage des motos à sept heures trente.
Nous sommes dans les temps et décollons pour cette nouvelle journée. Premier objectif : une terrasse de bistrot pour un café et trouver le pique-nique du midi.

Llavorsi. Une terrasse ensoleillée nous accueille. Tout en buvant notre café et en attendant la commande de sandwiches, Vincent et moi discutons météo.
En particulier de celle de la veille.

Il était prévu des orages dans la région où nous sommes encore. Nos différentes applications météo étaient d’accord sur ce point : ça allait tomber sévère dans la soirée puis se calmer le reste de la nuit pour laisser place à une belle journée pleine de soleil.
Et effectivement il a plu copieusement. Partout autour de nous, dans les autres vallées. On a observé les éclairs qui nous encerclaient, les nuages noirs qui passaient d’une vallée à l’autre. Mais il n’a pas plu sur nous. Rien. Nada. Que dalle ! Un vrai miracle.
Jamais je n’ai été aussi content de prendre la décision de m’arrêter de rouler, la veille au bistrot. Maintenant je le sais. Il ne fallait pas aller bivouaquer dans l’autre vallée, plus loin. C’était écrit !

Réchauffés par le soleil matinal et lestés de nos trois sandwiches, nous reprenons la route jusqu’à Tirvia puis direction Glorieta de Montesclado pour reprendre une piste qui doit nous amener à Os de Civis puis l’Andorre.

A partir de Montesclado la piste est roulante et facile. Nous grimpons allègrement en traversant la forêt.

Plus détendu que la veille, mon rythme de roulage est un peu meilleur et je sens mon fils plus à l’aise aussi derrière moi. L’expérience commence à faire son effet.

Nous arrivons au Coll de So, vers 1900 mètres d’altitude et dix heures du matin pour nous réhydrater. Nous profitons de ce temps de repos pour prendre quelques photos et dégourdir les jambes avant de reprendre la piste jusqu’à l’Ermita de Santa Magdalena.

Cette petite chapelle se trouve au carrefour de trois pistes qui sont apparemment assez prisées des amateurs de nature, qu’ils soient en voiture, en moto ou même en vélo.
Nous faisons une deuxième pause pour grignoter un peu et faire un peu le point sur l’avancement de la journée. La décision est prise d’aller jusqu’à Os de Civis où nous mangerons notre pique-nique puis d’aviser de la suite en fonction de notre état physique.


Avant de repartir je joue au photographe amateur en aidant quelques randonneurs espagnols en moto puis en vélo qui essayait de faire des selfies. C’est aussi un moyen d’aborder les gens pour discuter et ce malgré la barrière de la langue.

Nous redémarrons enfin et au détour du premier virage je découvre que la piste a totalement changé. Elle est recouverte d’une mer de cailloux qui ont été jetés là par les services d’entretien des chemins afin de combler les trous.
Néanmoins, si ça aide les véhicules à quatre roues, pour les motos il en est tout autre.
Je serre les fesses, m’accroche à mon guidon et tente de garder le fameux filet de gaz sans lequel mon adhérence au sol se rapprocherait de zéro. La première épingle m’effraie. Je n’en mène pas large. Mais ça passe.
Forcément, si j’avais été seul et debout, j’aurais largement moins été stressé. Mais bon ! Après tout, c’est quand même moi qui ai choisi d’emmener mon fils. Maintenant j’assume !

La mer de cailloux continue un moment puis laisse place à des flaques de cailloux pour disparaitre enfin. Je retrouve un peu de sérénité et le plaisir de rouler revient. Pour mon fils aussi ! Assis derrière moi il sent de suite si je suis tendu ou pas.

Le chemin se poursuit tranquillement. C’est sec, caillouteux mais pas trop, quelques flaques de boues passées sans encombre. Bref, c’est du plaisir.

Le seul bémol est à mettre au chapitre de la fréquentation. Nous croisons de plus en plus de motos et de 4×4.
Ce ne serait pas dérangeant si tout le monde gardait bien sa droite et ne fonçait pas aveuglément surtout dans les virages sans visibilité. Nous n’avons eu à déplorer aucun incident mais certaines voitures nous ont frôlés de très très près.

Cela n’entache pas notre bonne humeur et du coup, plein d’allégresse Vincent prend de l’avance et nous le perdons de vue. Aucun souci pour nous, le GPS nous indique la trace à suivre.

Nous roulons et savourons le paysage quand au bout d’un moment un doute me vient.
Je crois reconnaitre la piste sur laquelle nous sommes et si je ne me trompe pas, elle ne mène pas à Os de Civis. Je m’arrête, mon fils jette un oeil par dessus mon épaule et son verdict tombe : “Papa, on n’est plus sur la trace !”.
C’est toujours énervant en tant que parent quand les enfants vous assènent des vérités qui dérangent. Pour le coup je ne peux même pas faire une pirouette en lui disant :”Oui je sais, mais c’est un raccourci !”.
Donc j’acquiesce et le constat est sans appel : cela fait quelques kilomètres que nous sommes hors trace et que la piste sur laquelle nous sommes m’est bien familière parce qu’elle descend jusqu’à Civis, et pas Os de Civis, et que je l’ai déjà pratiquée en fourgon.

Faire demi tour et remonter pour récupérer la trace est une option. Mais je sens que mon fils commence à en avoir un peu marre et si on pouvait retrouver du goudron, ce ne serait pas pour lui déplaire.
J’appelle donc Vincent, qui avait disparu de notre vue depuis un moment, et lui laisse un message sur répondeur lui indiquant que nous rejoignons Os de Civis par la route et qu’on se retrouve tous là-bas pour le pique-nique.
Je démarre, Vincent me rappelle et nous tombons d’accord sur mon plan. Petite parenthèse : moi je peux répondre au téléphone en roulant mais pas Vincent.

Plan validé, mon fils et moi descendons la piste, quelques lacets et à quelques centaines de mètres de la fin de la piste, j’entends dans mon casque : “Papa, c’est pas Vincent là-bas devant nous ?”
”Hein ? Quoi ?” Je regarde au loin et vois effectivement une GS conduite par un tee-shirt bleu et un sac à dos jaune fluo. Ben oui, c’est Vincent !
Il semblerait que lui aussi se soit trompé en suivant la trace mais qu’au contraire de nous il ne s’en soit pas encore aperçu !

J’accélère, je klaxonne mais sans effet. Vincent a accéléré aussi et en solo sur la piste il va bien plus vite que nous.
Fin du chemin, un embranchement : à gauche vers le village de Civis, à droite la route qui descend vers la nationale qui nous emmènera vers l’Andorre et Os de Civis. La bonne route est à droite.

Sur la route, même en duo et en pneus à crampons, je roule plus vite que Vincent. Je me dis que je vais le rattraper. Je mets un coup de collier, ce qui au passage plait à mon fils.
Mais au bout d’un moment je suis obligé de me rendre à l’évidence : Vincent n’a pas pris cette route, sinon je l’aurais déjà rattrapé. Il a dû passer par le village de Civis. Que faire ?
On décide finalement de continuer. On a fixé un rendez vous à Os de Civis et on s’en tient au plan. Sinon, à quoi ça sert de faire un plan, hein ?

Nous poursuivons la route, passons la douane espagnole sans encombre et nous retrouvons dans la longue file de véhicules à la douane andorrane. En général, les files de véhicules sont plutôt en direction de la sortie de l’Andorre, rarement pour y entrer.
La file avance doucement et voilà que le douanier décide d’arrêter le véhicule devant nous. Zut ! Pas de bol !
Allez ! Ca ne va pas durer ! Hein ? Ah ben si, quand même !
Je finis par couper le moteur au bout de cinq minutes d’attente. Et ça tergiverse toujours. Echange de papier d’identité, ça discute, ça fait la morale, ça se justifie, bref ! C’est long ! Très long !
Tellement long que nous finissons par passer cette douane au bout d’un quart d’heure !

Je ne sais pas si vous le savez mais en Andorre il y a presque un radar par Andorran. Si si ! Bien sûr je ne compte pas les étrangers installés pour des raisons fiscales.
Donc, pour cause de radars, je roule tout doucement. Surtout que les limitations de vitesse ne sont pas très claires voire même variables.
Nous nous traînons donc à petite vitesse, dépassé par des Andorrans qui eux connaissent leur secteur, quand tout à coup qui est ce que je vois juste à côté de nous ? Mais oui mais oui ! L’ami Vincent !
Il a mis à profit notre longue attente à la douane pour s’apercevoir de son erreur en allant sur Civis puis nous rattraper en prenant le bon chemin.
Nous nous arrêtons sur le bas côté un peu plus loin et débriefons joyeusement cette histoire de perdage qui nous laissera malgré tout un bon souvenir.

Il est quasiment treize heures trente et la faim commence à se faire sentir.
Nous avions un moment pensé aller pique-niquer vers le Pic Nègre, à la frontière hispano-andorrane, à 2600 mètres d’altitude.
Mais au vu de l’heure de notre état de fatigue et de la route restant à faire pour rentrer, nous décidons sagement de mettre un terme aux chemins pour ce weekend et de rentrer gentiment par la route.
Le Pic Nègre sera pour une autre fois.
On regonfle les pneus à une pression adéquate pour la route et partons pour pique-niquer au Port d’Envalira, à 2400 mètres d’altitude.

C’est en écoutant les crissements de pneus de voitures de drift sur le circuit en contrebas que nous avalerons nos sandwiches et saucissons. Un dernier regard vers les vallées andorranes et nous repartons vers la France.

La route jusqu’à Toulouse est banale tellement je l’ai pratiquée du temps où le Pas de la Case était mon bureau de tabac.
Il faut dire que trois heures trente aller retour et vingt balles d’essence pour aller acheter des cigarettes trois fois moins cher qu’en France sont une bonne raison de faire le trajet.
Tarascon, Foix, Vallée de la Lèze, Toulouse.
Une dernière bière chez Vincent et nous voilà de retour dans le Far West toulousain.

J’ouvre le garage, rentre la moto, décharge les bagages, fais un clin d’oeil à la popote sur l’étagère pour lui dire qu’elle nous a manqué et referme le tout jusqu’à la prochaine fois.

Canap’, ti’punch, fin de la sortie.

Et maintenant ?

Il m’aura fallu un an quasi jour pour jour entre ma première expérience en tout terrain et la réalisation du but que je m’étais fixé : partir en duo en moto et planter la tente là-bas, au bout du chemin.

En ce sens, c’est une réussite. Cela prouve que motivé, en mettant les bons ingrédients dans l’ordre, on peut y arriver.
Le plaisir que je comptais en retirer est là aussi. Je sais maintenant que je peux prendre ma moto, parcourir des chemins (avec discernement) et dormir à peu près où je le souhaite. En solo comme en duo.

Malgré tout, il y a quelques bémols à cette expérience.

Tout d’abord, ma technique de conduite en duo est pitoyable. Déjà qu’en solo sur chemin je suis loin d’être un cador.
La conduite assise est très éprouvante. Tout se passe dans les bras. On ne peut pas éviter facilement les obstacles, ni amortir les chocs avec les jambes. Donc on roule plus lentement et l’équilibre général s’en ressent.
Il faut donc que mon passager soit moins passif et plus aguerri en matière de roulage offroad.
Ce sera le prochain objectif avec mon fils : améliorer notre technique de roulage en tout-terrain. J’ai déjà quelques pistes pour cela.

Ensuite il y a l’avis du passager. Qu’en a pensé mon fils ? A-t-il aimé pleinement ce weekend ? Cela a-t-il correspondu à ce que je lui avais vendu ?
Son avis est mitigé. Il s’attendait tout d’abord à ce qu’on pratique un peu plus de goudron. Dans son esprit, le trail devait servir à se balader comme nous le faisions avant en roadster, c’est à dire sur la route voire de toutes petites routes, puis le moment venu emprunter des chemins pour trouver un coin pique-nique ou le lieu de bivouac.
Rouler toute la journée ou presque sur les chemins n’était pas ce à quoi il s’attendait. Je saurai en tenir compte pour notre roadtrip estival annuel.

Il a ensuite, comme moi, souffert de la conduite assise. Comme je l’ai déjà mentionné, je n’étais pas à l’aise tout le temps et il le ressentait. Cette tension lui gâchait le plaisir. Il faut à tout prix qu’on améliore notre technique de conduite comme dit précédemment.
J’espère qu’avec l’expérience et l’entraînement, cette tension disparaitra au profit du simple plaisir de se promener.

Pour tout le reste, il a aimé. L’ambiance, les paysages, le bivouac.

Et maintenant ? Eh bien, on laisse décanter cette expérience et on prépare la prochaine sortie ! Bientôt !

A la prochaine !

ps : cet article présente moins de photos que d’habitude. La raison est que lorsque je roule en groupe, avec Vincent en l’occurrence, je ne m’arrête pas aussi souvent que lorsque je roule seul pour prendre des photos.

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