Moto, humeurs et autres pensées

La Galice avec mon fils – 1ère partie

“Toutes les bonnes choses ont une fin” dit le proverbe. J’en prends la pleine mesure aujourd’hui. Le temps passe, l’environnement change, mes cheveux disparaissent. Bref tout tend à aller vers la fin.
Et aujourd’hui encore plus car en ce samedi dix-neuf août deux mille vingt-trois, mon fils et moi partons pour notre dernier roadtrip à moto !

Comme tous les ans depuis quelques années, je profite des vacances estivales pour partir en roadtrip avec mon fils.
On charge la moto avec les valises, la tente, les duvets, tout le kit nécessaire à notre survie et on se dirige vers notre destination décidée à l’avance mais sans jamais rien réserver.
On improvise. On choisit les campings au dernier moment. Et si ça nous plaît, parfois on reste. Sinon, on lève le camp et on va voir ailleurs.

Cette année, c’est notre dernier roadtrip. Alors nous avons décidé d’aller plus loin qu’auparavant. Ce sera la Galice.
Un dernier pèlerinage vers Saint Jacques de Compostelle, le cap Finisterre puis un retour en prenant les routes touristiques.

Et comme d’habitude, on ne réserve rien. Mieux ! On a choisi de privilégier les bivouacs plutôt que les campings dans la mesure du possible.

Huit heures trente, samedi dix-neuf août. Je démarre la moto et nous filons plein ouest par la route départementale 632. Le but est de rouler un maximum pendant les deux premiers jours pour arriver au plus vite à Saint Jacques de Compostelle.

Après un arrêt café/coca à Trie sur Baïse, la route défile jusqu’à Saint Palais puis Saint-Jean-Pied-de-Port où nous pique-niquons dans un parc en bordure de la Nive.
Après nos sandwiches et pendant que mon fils se lance dans une petite sieste, j’entame une discussion passionnante avec un vacancier qui m’explique qu’il est revenu d’un roadtrip de plusieurs mois sur la Route de la Soie avec la même moto que la mienne.
D’ici que cela me donne des idées d’évasion lointaine…

Mais avant cela, il nous faut continuer notre route. Nous attaquons la superbe D933, vers Roncevaux et Pampelune. De superbes virages sur un bitume excellent. Même chargés comme une mule, c’est un régal !

Passée Pampelune, on ne s’amuse plus. On trace par la nationale jusqu’au sud de Vitoria-Gasteiz puis Miranda de Ebro. Heureusement, quelques portions de route restent sympathiques.

Grace à une application pour voyageurs (iOverlander), j’ai repéré un coin pour bivouaquer au bout d’un chemin, en direction de Burgos . C’est une “area recreativa”, aire de pique-nique dans notre jargon. Il y a des tables, bancs et point d’eau. C’est parfait.
Nous attendons tranquillement que le soleil se couche pour monter la tente. Nous passerons la soirée en mangeant nos pâtes et en regardant le match de rugby France-Fidji sur l’ordinateur parce que “non mais ! oh ! quand même !”.

Après une nuit réparatrice et un petit déjeuner à base de céréales, nous reprenons la route en direction… de là où nous venons !
J’avais planifié de faire le plein de la moto sur la route au plus tôt dans la matinée, mais comme j’ai mal apprécié la distance de la prochaine station service au regard de notre autonomie restante, nous voilà obligés de rebrousser chemin vers Miranda de Ebro, en roulant à l’économie pour trouver une station service ouverte en ce dimanche.
Une station Repsol nous accueille au bout de vingt kilomètres et je réussis le tour de force de remplir le réservoir avec plus d’essence qu’il n’est censé en contenir. Je pense qu’on ne serait pas aller beaucoup plus loin !

Le soleil est déjà bien haut dans le ciel et si nous voulons arriver en vue de Saint-Jacques de Compostelle aujourd’hui, il va falloir qu’on y mette un peu du notre.
Donc nous prenons l’autovia en direction de Burgos puis Leon.

Un rapide pique-nique sous un pont avec une petite sieste puis nous reprenons la nationale VI en direction de Lugo. Les kilomètres défilent et nous prenons la décision de trouver un camping pour la nuit.

Je consulte mes oracles, Saint Google Maps et Saint iOverlander en tête, et je jette mon dévolu sur le camping de Parada do Sil.
Après être sorti de la nationale nous attaquons une montée très tortueuse avec de superbes points de vue qui nous amènera à notre destination, au dessus du Cañon do Sil.
Le camping est tout simple, sans prétention. A l’opposé des tarifs. Le seul point remarquable de ce camping est son mirador extraordinaire sur le Cañon. Mais de là à en faire commerce…
Bon, j’avoue que j’ai toujours eu du mal à accepter que les humains fassent du commerce sur les beautés naturelles du monde. Même si celles-ci, à l’instar de ce canyon, sont aussi belles.

Je profiterai de la soirée pour donner un cours de relevage de moto à mon fils à l’occasion du graissage de la chaîne et d’une vérification de roulements de direction. Force sera de constater que sans la bonne méthode, la simple force ne relève pas une moto de deux cent trente kilos.
Au passage je note que mes nouvelles valises souples Lone Rider supportent très bien le poids d’une moto couchée, même vides. C’est du souple qui a de la tenue.

Apéro, pasta, dodo ! Demain on va claquer la bise à Jack of Zébédée !

Encore une nuit réparatrice ! Il faut dire qu’après presque mille kilomètres en deux jours avec pour moitié des routes touristiques, les nuits ont besoin d’être de qualité.

En attendant que mon ado de fils se lève – un ado a besoin de quatorze heures de sommeil par jour ! – je me dirige vers le mirador pour prendre des photos du canyon. Avec le soleil dans le dos, ça rendra autrement qu’avec le soleil couchant de la veille.
Des nèfles, oui ! Il y a un brouillard à couper au couteau ! On ne voit rien de rien.
D’après des campeurs présents depuis quelques jours, je ne dois pas m’inquiéter car le soleil va apparaitre dans la matinée. Pas trop tard j’espère, car nous avons encore un peu de route.

Finalement, la brume disparait, je shoote le canyon et nous décollons du camping à onze heures du matin.
Après avoir longé le canyon avec ses miradors, pris de l’essence à Orense, nous arrivons à treize heures trente à Saint-Jacques de Compostelle.

Comme nous sommes en moto, nous pouvons nous stationner pas trop loin du centre historique. C’est toujours appréciable lorsque nous visitons des lieux touristiques bondés de monde.
Pendant deux heures nous visitons le centre de Saint-Jacques, la cathédrale et son parvis, les ruelles alentour. Tout est très beau. On voit que la foi a brassé pas mal d’argent dans le temps.

A quinze heures trente nous décollons de Saint-Jacques et nous arrêtons très vite pour trouver un coin pique-nique et réfléchir à la suite.
Notre but atteint, il nous faut maintenant en fixer un autre. Ce sera le cap Finisterre, à soixante dix kilomètres de là. La fin occidentale de l’Espagne continentale.

Nous fonçons donc vers le cap après avoir repéré deux potentiels coins pour bivouaquer ce soir.
Nous arrivons à dix-huit heures au cap. Il y a encore beaucoup de monde. Là encore, la moto est facile à garer.
Le paysage est très beau. Je ne peux m’empêcher de faire une comparaison avec la côte bretonne, la pointe du Raz et d’autres coins remarquables de la Bretagne.
Ce ne serait la forme du phare – en Espagne, ils se ressemblent un peu tous – et la chaleur, on se croirait en pays bigouden.

Nous faisons le plein d’iode et de souvenirs photographiques puis repartons vers notre lieu de bivouac.
C’est encore une “area recreativa” mais beaucoup moins isolée que la précédente et plus grande. Une aire de camping car peu peuplée est présente à deux cent cinquante mètres. Il y a une bonne dizaine de tables de pique-nique en béton et des lampadaires. Je vois bien un coin pour planter la tente mais je ne sais pas pourquoi, je ne le sens pas !
Je propose à mon fils, qui essaie de me convaincre de rester à cet endroit et de planter la tente, de tenter l’expérience de dormir à la belle étoile. Ainsi si jamais les autorités nous délogent, on pourra toujours partir assez rapidement et plaider le “pernoctar” et le “no acampar” (je vous expliquerai plus tard la nuance).
Banco ! Ce sera nuit à la belle étoile.

La nuit tombe, les lampadaires à leds s’allument, on y voit comme en plein jour. C’est impeccable pour manger. Vers minuit nous rangeons toutes les affaires dans la moto, sortons les matelas et duvets et nous installons tout cela sur les tables en béton.
Bonne nuit tout le monde !

Une heure du matin ! Ils vont les éteindre leurs put..ns de lampadaires ?

Deux heures du matin ! Ils payent pas l’électricité dans ce bled ? Je veux bien croire qu’on se couche tard en Espagne mais quand même !

Trois heures ! J’ai les mains en feu. Je suis bouffé par des moustiques que je n’entends pas et que je ne vois même pas malgré ces sacrés lampadaires toujours allumés !

Quatrième jour, six heures du matin. J’ai passé une excellente nuit de deux heures. J’ai les mains toutes rouges, je suis claqué et les lampadaires me narguent toujours. Mon fils n’a pas très bien dormi non plus.
On petit déjeune rapidement et on lève le camp vers notre prochaine destination.

Aujourd’hui, deux objectifs. Le premier est d’aller à l’extrême ouest de l’Espagne. “Mais tu y étais hier, au cap Finisterre !”. Ben oui mais non ! Ça c’est ce qu’on te vend dans les guides touristiques. En cherchant bien, le point le plus occidental de l’Espagne se situe au cap Touriñan, un peu plus au nord.

Vingt kilomètres plus tard, nous y sommes. Face à la mer, plein ouest, je contemple Boston, USA. Oui, j’ai de bons yeux !
Ce cap est isolé, perdu, il n’y a pas un chat. Nous stationnons au pied du phare. Une seule voiture est présente. Celle d’un photographe animalier qui shoote les mouettes à coup de Fuji. L’herbe est rase, la terre balayée par un vent terrible – j’ai dû faire attention à bien orienter la moto en la béquillant – et la mer agitée. Bref, c’est beau, isolé, tout ce que j’aime.

Et puisque nous en sommes à visiter les points géographiquement remarquables, où se situe l’extrême nord de l’Espagne ? Ô surprise ! C’est aussi en Galice m’informe mon fils. Eh bien voilà le deuxième objectif de la journée !

Nous redémarrons et filons plein nord en longeant la côte au plus près. Petites routes bucoliques, vue sur la mer, jolis paysages. On se croirait en Bretagne.
A ce moment, la France essuie une vague de chaleur caniculaire et en Galice on arrive par moment à trente huit degrés. Tant qu’on roule ça va.

La remontée vers le nord se poursuit et nous arrivons A Coruña ! La Corogne.
Pourquoi passer par une grande ville ? Tout simplement pour aller voir la Tour d’Hercule.
Il s’agit du plus ancien phare au monde, romain de surcroit, en activité. Malheureusement nous ne pourrons pas le visiter car c’est “soldahoutte” nous dira la jeune fille du bureau d’accueil. La prochaine fois, je regarderai sur internet au préalable lorsque je voudrai visiter un site touristique payant. Apparemment, il vaut mieux prendre ses billets à l’avance.
Malgré tout, le site est joli et nous ne regrettons pas d’être venus.

L’étape suivante est le phare d’Estaca, sur le cap d’Estaca de Bares. Comme le cap Touriñan, c’est un lieu bien ventilé bien qu’un peu plus fréquenté.
La mer agitée s’écrase sur les rochers en contrebas mais cela n’empêche pas les touristes de s’approcher au plus près de l’eau en direction de l’Estaquin, l’ultime rocher septentrional de la péninsule ibérique.
Je laisse mon fils à ses explorations de la zone – il est adepte du géocaching – pendant que je prends quelques photos souvenirs.

Le temps passe et il nous faut songer à notre étape de la nuit. Nous décidons de longer la côte galicienne vers l’est et de voir ce qu’il se présente à nous.
Soixante dix kilomètres plus loin, nous nous installons au camping San Rafael à Foz après avoir fait quelques courses. Le camping n’est pas terrible mais au moins il nous permettra de mieux dormir que la veille et il y a une douche.

C’est reposés et rassasiés que nous attaquons notre cinquième jour de roadtrip. Et c’est le premier jour où nous n’avons aucun but.
Et c’est bien aussi. Aujourd’hui, on va juste se promener, rouler le nez au vent, en profitant de chaque moment, chaque paysage.

Nous démarrons vers l’est avant de piquer plein sud sur la nationale 642 puis basculons en Asturies sur l’AS-11. Et là, c’est le bonheur ! Rouler sur ces routes asturiennes, dans ces montagnes est un pur régal !
Les paysages, l’état des routes, le peu de circulation, tout participe à faire de ce moment un “must have” du motard. AS-11, AS-13, AS-12 puis AS-14, ces routes ont été dessinées par un motard, ce n’est pas possible autrement !

Nous faisons halte à la Presa de Grandas de Salime, barrage hydroélectrique sur le rio Niavia. Un premier point de vue (mirador) sur le barrage d’un côté puis plus loin le mirador Boca de la Ballena (faut que je traduise ?).

A la recherche d’une fontaine pour remplir nos gourdes, nous atterrissons dans un petit bar de village juste à temps avant la pluie. Attablés à l’abri en terrasse, nous assistons à l’arrivée précipitée d’une horde de pèlerins tout contents d’arriver à l’abri. Il faut dire que nous sommes sur le Camino Primitivo, une route majeure sur le chemin de Compostelle.
D’ailleurs, sur le bord des routes, on voit souvent des panneaux triangulaires synonymes de danger : Attention ! Traversée de pèlerins !
En France, on a les panneaux pour les cervidés ou les sangliers, ici ce sont les pèlerins.
La pluie s’éloigne et mon fils et moi ne sommes pas d’accord sur le lieu de bivouac du soir. Il faut dire qu’à force il maîtrise aussi l’usage des applications et sait se servir de son smartphone pour faire des recherches.
Finalement j’accède à sa demande d’aller bivouaquer en bord de mer à la condition que si je ne le sens pas, on cherchera un camping.

Nous remontons donc plein nord en traversant toujours les montagnes asturiennes.

Les paysages sont magnifiques et me font penser aux paysages de hautes montagnes que l’on rencontre sur les routes passée une certaine altitude : pas de végétation haute, de la roche, de l’herbe rase. A la différence près qu’ici nous ne sommes jamais à plus de mille mètres d’altitude.

En approchant de la côte, nous nous retrouvons sous une petite bruine qui nous accompagnera jusqu’au phare de Cabo Busto. L’endroit est peuplé de quelques fourgons et camping-cars qui vont manifestement passer la nuit sur place.


La pluie s’arrête, le soleil revient et quelques vacanciers en voiture affluent. Je comprends vite pourquoi : le coucher de soleil sur la mer est splendide.
J’installe l’apéritif et le repas sur une table de pique-nique face à l’ouest et nous savourons l’instant.
J’hésite à mettre une veste par dessus mon tee-shirt quand je reçois un SMS d’un copain qui m’informe qu’il a trente huit degrés dans son appartement à Toulouse. C’est canicule en France. Par solidarité, je reste en tee-shirt.

Passé le repas et le départ des touristes, vers vingt-trois heures je décide de planter la tente sur place. De toute façon, il est un peu tard pour partir chercher un camping. Le phare s’est allumé et ses faisceaux balaient la mer mais aussi la côte. Heureusement nous sommes suffisamment près pour que le faisceau passe largement au-dessus de la tente, ce qui n’est pas le cas des fourgons garés plus loin. J’espère pour eux qu’ils ont de bons rideaux.

Roadtrip - août 2023La Galice avec mon fils – 2ème partie >>

2 commentaires

  1. Falvo

    Génial ton récit et bravo pour ce périple avec ton fils. C’est vrai qu’il n’y a que la moto pour profiter pleinement de ces paysages magnifiques.

    • Pat

      Merci !

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