La météo est toujours avec nous. Grand ciel bleu et soleil à neuf heures trente pour notre départ.

Nous nous dirigeons vers la Seu d’Urgell puis bifurquons pour attaquer une piste qui nous mènera en Andorre.
J’adore passer les frontières par des chemins détournés, comme les contrebandiers. Même si je n’ai rien à me reprocher, heureusement.

Cette piste est d’abord sablonneuse puis caillouteuse. Elle est aussi raide et un peu tortueuse. Bertrand prend de l’avance, à tel point que je le perds de vue.
Pas de souci, j’ai la trace sur mon roadbook et en cas de problème je sais qu’il fera demi-tour si je tarde vraiment trop.

Je continue, à mon rythme, forçant sur les jambes pour maintenir mon équilibre, agrippé au guidon pour gérer l’embrayage et l’accélérateur, et surtout continue à avancer coûte que coûte car à certains endroits la raideur de la piste m’empêcherait de redémarrer si je venais à m’arrêter.
Ca fait un moment maintenant que je roule et toujours pas de Bertrand en vue. Je sais que je suis sur la bonne piste. Bertrand est-il lui aussi sur le bon chemin ? J’en viens à me poser la question.
Je décide de continuer et de m’arrêter à la frontière pour l’attendre si on ne s’est pas retrouvé avant. Je suis moins inquiet pour lui que lui pour moi, vu son niveau en tout-terrain.

J’avance en sous bois, passe des racines traitresses sans encombres, des cailloux roulants, un peu de sable, des épingles un peu techniques et finalement atteins la frontière, fatigué mais satisfait de ma prestation.
Une grande rasade d’eau et j’envoie un message à Bertrand qui n’est toujours pas là ! Cinq minutes se passent. Dix. Un quart d’heure. Quand j’entends un moteur au loin. C’est Bertrand qui arrive par la piste que je venais d’emprunter.
Effectivement, il a bien raté un embranchement et s’est retrouvé derrière moi comme je le subodorais.

Maintenant que nous revoilà une équipe, je propose qu’on fasse un petit détour par le Pic Nègre avant de redescendre vers l’Andorre et ses villes centres commerciaux.
”Banco !”
On avise la bonne piste à prendre sur le GPS et attaquons la montée. Le début se passe plutôt bien. Il faut juste un peu slalomer entre les ornières et les ravines mais rien de bien compliqué. Pour l’instant.

La pente se raidit, les ravines se creusent et le sol entre gravier et sable fait perdre un peu l’adhérence. Debout sur mes cale-pieds, j’accélère tout ce que je peux et finalement finis par faire tomber la moto.
”M’enfin ! Pourquoi ?” Ben oui, pourquoi ? J’accélérais comme il faut et la moto n’avançait pas comme si le moteur coupait. Alors forcément, en manque de vitesse  j’ai perdu l’équilibre.
Bertrand m’aide à relever la moto et je comprends pourquoi. J’avais laissé le Traction Control activé. Ce système coupe l’allumage du moteur automatiquement lorsqu’il détecte que la roue arrière patine. Ben forcément qu’elle patine, je suis en offroad ! Je désactive le bidule et on reprend.

J’avoue que le redémarrage ne se fait pas en pleine confiance. Il me faut quelque distance avant de retrouver de la vitesse et de l’aisance.
Puis j’arrive au Coll de Finestres à deux mille quatre cent sept mètres. J’y retrouve un groupe de jeunes motards de dix à seize ans environ en moto trial avec leur instructeur qui me tire son chapeau d’être arrivé là avec ma moto de deux cent soixante kilos. Je le remercie mais je suis tellement crevé que je ne prends pas la mesure du compliment. Il est vrai qu’avec leurs motos de quatre-vingt kilos ils ont beaucoup moins de difficultés que moi.
Bertrand arrive, en bougonnant. Sa moto fait des siennes et a des problèmes depuis une certaine altitude. Etonnant pour un moteur à injection mais handicapant si nous voulons continuer jusqu’au Pic Nègre.
Il décide de ne pas continuer plus haut. “Vas-y, toi, si tu veux. Je t’attends ici !” me lance-t-il.
Euh ! Oui mais non ! On est une équipe, on fait les choses à deux jusqu’au bout. Il n’y a pas de souci, le Pic Nègre nous verra une autre fois.
Demi-tour, descente tout en contrôle qui tue bien les jambes et les bras et nous revoilà à la frontière.

Je lui dis de suite que ça m’arrangeait de faire demi-tour vu comment j’étais déjà rincé ? Non. Ce n’est pas nécessaire. Plus tard.

Nous finissons la piste en direction de l’Andorre et arrivons dans la vallée par une route tortueuse à souhait qu’il doit être très agréable de prendre avec une moto routière avec les bons pneus, si tu vois ce que je veux dire !
Nous avons rendez-vous à Canillo pour récupérer Françoise, la compagne de Bertrand. Ils vont faire la suite du roadtrip en duo. Quand je vois comment je m’en sors seul, je n’ose imaginer en duo.
On pique-nique tous les trois devant un magasin de moto et Bertrand profite de la civilisation pour trouver de quoi réparer la visière de son casque.

La suite s’annonce toujours aussi plaisante. Nous montons par la route jusqu’au Port de Cabus, frontière avec l’Espagne.
Côté espagnol, le goudron laisse la place à une route pour 4×4, assez défoncée mais praticable en moto. C’est la fameuse piste des contrebandiers (si, si, c’est son nom) qui descend jusqu’à Llavorsi en passant par le joli village deTor.

On croise plein de jolis coins pour bivouaquer mais j’ai mon idée. Je connais un très joli spot plus loin qu’il serait dommage de louper.

Passée la descente sans difficulté majeure, nous faisons une pause fraîcheur au bar à Llavorsi.
Une décision s’impose. Soit nous continuons notre trace  qui nous fait faire une boucle par la montagne et ses chemins pour nous ramener à la Guingueta del Aneu à je ne sais quelle heure, soit on va directement au village et au bivouac afin d’être sûr de planter la tente de jour et d’avoir la meilleure vue car ce spot connu est parfois bien occupé.
La sagesse, la fatigue, la soif l’emportent et nous allons directement au bivouac sur les hauteurs de la Guingueta del Aneu, avec vue sur les montagnes et le lac en bas de la falaise. Magique !

La nuit sera claire et la voie lactée aura veillé sur nous.

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